Le Projet RECTO - VERSO
Jacques Guidon et al.
LID - UNIVERSITE PARIS 7
CASE 7078
2, Place Jussieu
F-75005 PARIS
guidon@ccr.jussieu.fr
Le projet, présenté ci-après, représente les deux volets d'une collaboration Franco-Québecoise. Le projet Québecois, dont les contenus ont été élaborés en commun, s'appelle le projet RECTO (Réseau de Chercheurs pour la télé-formation opérationnalisée). Le projet RECTO a été retenu par Fond de l'Autoroute de l'Information lancé par le gouvernement canadien en septembre 1994. Les grandes lignes du projet RECTO peuvent se résumer en l'énoncé de trois grandes composantes :
-Développer une expertise dans la création ou la réingénierie d'activités de téléformation destinées au monde francophone, en s'appuyant sur des modèles et outils adaptés au mode de diffusion par les réseaux.
-Disposer d'un réseau de télécommunications apte à supporter la conception collaborative, l'échange et la diffusion d'activités de téléformations multimédias
-Réaliser des activités de recherche-développement permettant de résoudre les problèmes d'intégration technologique et pédagogique qui se posent dans ce contexte.
Le projet VERSO en est le pendant français. Il a de son coté, été retenu lors de l'appel à propositions "Théry". Il vise à expérimenter les technologies avancées de la communication dans le champ de formation, en particulier pour le développement de stratégies innovantes pour l'apprentissage individuel et collectif, flexible et à distance.
Les usages des technologies avancées de la communication visent simultanément et en synergie les institutions et organismes producteurs et fournisseurs de services de téléformation (Recherche, développement, exploitation) et les usagers eux-mêmes (publics de formation à distance).
Il s'agit d'un programme d'expérimentation ambitieux qui réunit des partenaires ayant tous une expérience dans le domaine. La concentration des efforts, la mise à disposition conjointe des savoir-faire, prototypes, méthodologies devraient permettre l'émergence de nouveaux services performants, innovants et répondant à l'évolution des besoins de formation tant des entreprises que des particuliers.
Cette émergence sera facilitée par :
-d'une part, l'intégration fonctionnelle et organisationnelle des différents "composants" apportés par les différents partenaires au sein d'une architecture commune ;
-d'autre part, par une expérimentation à large échelle des technologies nouvelles pour la téléformation sur des publics cibles très variés (salariés, collectif en entreprises, PME/PMI, isolés, demandeurs d'emplois) et sur au moins trois régions françaises et le Québec, avec probablement des extensions ultérieures sur l'Afrique de l'Ouest.
Sur le plan quantitatif, nous pouvons dire que :
-Pour environ 70% de l'effort (humain et investissement) le projet concerne la mise en oeuvre et le test d'applications et des services à valeurs ajoutées. Les principales applications qui seront mises en oeuvre concernent les technologies de collaboration (mise en place de serveurs d'information coopératif, collecticiels, téléconférence multimédia...).
-Pour environ 30% de l'effort sur la mise en place d'une plateforme logicielle et matérielle permettant l'expérimentation des services précités et la migration progressive vers les hauts débits.
L'utilisation des technologies avancées de la communication va permettre également de créer un "laboratoire coopératif virtuel" pour le développement de la formation à distance et de l'ingénierie pédagogique. La situation que nous présentons ici est caractéristique d'un grand nombre de situations de conception de produits en réseau (co-conception, télé-expertise, etc) telles que l'on peut en trouver dans de nombreux secteurs économiques (avionique, électronique, médias...).
Les partenaires:
Le projet de collaboration Franco-Québecois mobilise 15 partenaires distincts : 6 au Québec, 9 en France.
Du coté Québécois, l'équipe concernée associe six entités:
-La Téléuniversité et son centre de recherches, le LICEF
-Le centre collégial de formation à distance (CCFD)
-EDUPLUS
-Vidéotron et VidéoWay
-Téléglobe
-Bell Québec (division multimédia)
Du côté français, l'élaboration du consortium s'inscrit dans une démarche de coopération avec le Québec, la Télé-Université du Québec notamment, entreprise depuis de nombreuses années. L'examen des partenaires impliqués montrent une concentration de compétences tant au niveau de la recherche sur les technologies avancées de la communication ou des technologies de l'éducation, qu'au niveau de la production de supports pédagogiques multimédia et de services de formation à distance. On y retrouve :
-CNAM Dep Formation a distance
-CNET Lannion
-IRPEACS, Neurope Lab et ARDEMI pour le pole Rhone Alpes
-LID Université Paris 7
-LIUM Université du Mans
-TELIDE (SSII)
-TRIGONE/CUEEP Université Lille1
...
Description des réseaux et services
Cette description doit être faite à deux niveaux :
-la plateforme de télé-collaboration internationale,
-les technologies mobilisées dans le développement de la formation à distance.
A- Plateforme de télé-collaboration
L'originalité réside dans la définition à l'échelle internationale d'une plateforme (réseaux et services) pour la télé-collaboration des acteurs de la formation à distance. Il s'agit de formes avancées de télé-travail et de supports technologiques d'activités coopératives : co-conception, télé-discussion, séminaire virtuel, création d'un serveur d'informations multimédia et coopératif. Au niveau des infrastructures de réseaux numériques, le déploiement est prévu en trois phases .
Une première phase, réaliste, utilise les réseaux déjà accessibles aux différents partenaires, c'est-à-dire :
-Un réseau de transport IP de type INTERNET au travers du réseau national RENATER. L'avantage de ce choix est une grande standardisation (messagerie électronique, routage, serveurs d'information de type World Wide Webb, logiciels clients type NETSCAPE, MOSAIC, etc). Par contre, en dehors de quelques expériences (M.bone, CU-SeeMe, Audiocast, projet TELESIA de l'INRIA), il apparaît que ce type de réseaux n'est pas aujourd'hui facile à utiliser avec des flux d'informations sonores et vidéos (audio et vidéo-conférence).
-Le réseau numérique à intégration de services (via NUMERIS en France) pour la visio et l'audio-conférence. Des passerelles IP (Renater) - Numéris sont déjà opérationnelles.
Les liaisons nécessaires aux visio-conférences (groupe de travail distribué) avec le Canada se font à 256 Kbit/s pour l'instant. Afin d'optimiser les coûts d'exploitation, il est prévu la mise en place de deux salles d'accès multipoints d'audio et de vidéoconférence (normes H 320) de part et d'autre de l'Atlantique.
La liaison de type Internet avec le Canada est assurée aujourd'hui par une connexion entre Renater et le réseau de la recherche Nord-Américain fonctionnant à 3 Mbit/s et passant par les Etats-Unis. Le débit moyen et les délais introduits par les différents noeuds de routage entre la France et le Québec ne sont plus suffisants pour la mise en place d'applications réellement multimédia . Une liaison directe entre RENATER et RISQ, par une ligne a 45Mb fournie par Téléglobe devrait améliorer dans les prochains mois cet aspect. Une évolution vers ATM est prévue, après des expérimentations initiales sur des plates formes spécifiques.
B- Au niveau des services à valeur ajoutée, partagés, il convient de distinguer :
-les serveurs directement utilisés par les partenaires pour favoriser les coopérations: messageries électroniques, outils de Téléconférence type First-Class, outils de type collecticiels (Telesia de l'INRIA, Communiqué de Insoft, Showme de Sun), les serveurs de documents (FTP anonymous, World Wide Web...);
-les serveurs expérimentaux de téléformation (retombées des prototypes type Teleamphi (CNET), Co-Learn (TRIGONE), Jitol (Neurope Lab), Hyperguide (LICEF), etc.
Les divers modes de connexions des sites utilisateurs des outils de téléformation seront faits dans une première phase par les réseaux existants : téléphonique (modem 28800 bit/s), RNIS (accès S0) et Internet (64 Kbit/s ou plus). Par exemple dans la Région Nord et Pas-de-Calais, les sites expérimentaux du CUEEP/TRIGONE sont constitués de 4 centres de ressources distants connectés par Numéris au centre serveur de Villeneuve d'Ascq.
Outils de téléformation innovants
Ces outils de téléformation ont été défini dans le cadre d'une méthodologie commune, prenant en compte des points de vue informationnel, organisationnel, communicationnel, technologique, économique. Ce cadre permet une unité et une cohérence globale des outils mis en place.
Les quatre principaux outils, pour lesquels les développements et expérimentations sont réalisés en collaboration sont :
A-Télécampus, dont le but principal est d'analyser et de comparer les outils disponibles dans deux environnements différents : CO-LEARN et Campus Virtuel, pour définir un modèle transposable tenant compte des dimensions cognitive et psychosociale de l'apprentissage. Il prend en compte les contenus de formation et des scénarios d'apprentissage, l'existence de systèmes conseillers, capables de prendre en compte l'apprentissage collaboratif sur un réseau, l'édition, la maintenance et l'accès à une base de documents multimédias répartis, en liaison avec un modèle de l'usager.
Les stations utilisées dans la phase actuelle sont des PC486 Multimédia sous Windows, tant pour CO-LEARN que pour Campus Virtuel.
Les principaux composants de CO-LEARN concernent la communication multimédia synchrone (conférence multimédia avec partage de tableau éléctronique intelligent, téléassistance, télécours) et asynchrone (groupe de projets, structuration des taches...). Ces outils sont associés à des éditeurs hypermédias utilisant la technologie OLE et un serveur de documents multimédias.
Ceux concernant Campus Virtuel concernent divers outils de navigation dans des bases de documents et supports de cours, une aide pédagogique contextuelle en ligne, ainsi que divers outils de collaboration par téléconférence asynchrone, vidéoconférence et partage d'écran pour le travail en équipe, la discussion en direct ou en différé et le tutorat.
B-Téléprésentation, dont l'objectif est d'élaborer un modèle générique de téléformation utilisant l'environnement Vidéoway (système UBI : Universalité, Bidirectionnalité, Interactivité) ou celui d'AXISA (système Téléprésentation), ou encore TéléAmphi du CNET. A partir de ce modèle, évaluer les retombées de tels environnements sur les plans pédagogique, technologique et économique.
C-Téléassistance. Le but est de produire un modèle opérationnel décrivant en termes d'acteurs et de contextes (humains, techniques, économiques...) les modalités de mise en oeuvre d'un dispositif de téléassistance. Ce modèle doit décrire les spécificités fonctionnelles des outils (interfaces, télécommunication) utiles pour assurer, dans de bonnes conditions, une téléassistance acceptée et efficace. Les expérimentations se feront dans des contextes variés formation continu, université, formation diplomante ou non, suivi de stagiaires partiellement en entreprise...
Les principaux outils a tester sont Vis-à-Vis de Bell Québec, et les outils d'assistance inclus dans les environnements HyperGuide (LICEF), SEPRO et CO-LEARN (Univ Lille1).
D-Télédiscussion. L'objectif est de consolider un modèle et un système d'analyse des débats, dans le cadre de téléconférences textuelles asynchrone, et de développer un modèle similaire pour les téléconférences multimédias. A partir de ce modèle il conviendra d'élaborer une stratégie d'utilisation des résultats pour supporter l'apprentissage et le conseil de type collaboratif, mais aussi le processus de capitalisation des connaissances.
Les outils utilisés au départ seront l'environnement JITOL (NEUROPE LAB) et ACTIA.
Implications des utilisateurs finaux
Le projet vise à satisfaire les besoins en matière de téléformation d'un public très large (particuliers, entreprises, formations générales ou professionnelles, tout niveau...). Les usagers sont particulièrement représentés au sein du projet :
-indirectement par les connaissances des publics, l'expérience, le rôle d'opérateur de FAD de nombreux partenaires (ex: TELUQ plus de 20000 inscrits en FAD, CUEEP 600 personnes en FAD niveau Bac, CCFD plusieurs milliers...etc). Ces organismes mènent régulièrement des missions d'observations et d'études non seulement des besoins de la population mais aussi des aptitudes à la FAD;
-directement par les différentes expérimentations de technologies pour la FAD qui sont proposées et qui auront lieu sur des publics réellement inscrits dans des cursus de FAD. Une évaluation très importante et participative (avec la participation des utilisateurs) est planifiée
Thèmes d'applications et marchés visés
Le projet VERSO présenté ici vise le développement de nouvelles formes d'apprentissage utilisant le potentiel des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Il s'agit tant du développement de services à valeur ajoutée (serveurs d'information multimédia pour la formation, supports aux apprenants) que de produits/supports pédagogiques multimédias. Pour cela, les partenaires utiliseront leurs compétences et acquis, et par une opération coopérative de ré-ingénierie, ils développeront des supports conjoints.
En ce qui concerne l'impact sur le monde de la formation, il faut seulement rappeler que de nombreuses études récentes (voir rapports de l'IRDAC ou ceux de l'Union Européenne) montrent l'intérêt de développer une nouvelle forme de systèmes de formation bâtis sur le concept d'apprentissage flexible et à distance (Flexible and Distance Learning). Cette évolution est souhaitée afin de mieux répondre aux besoins des entreprises pour leur compétitivité, et aux aspirations des individus pour une meilleure insertion dans la société.
Il est important de rappeler ici que la démarche déjà entreprise au sein de la collaboration Franco-Québecoise, vise également au développement d'un savoir-faire francophone dans le domaine de l'Ingénierie pédagogique multimédia et de la formation à distance. Les enjeux en sont très importants, car il apparaît que la filière française ingénierie pédagogique est faible et peu représentative à l'étranger. Des missions d'études ont été effectuées en Afrique et dans le Sud-Est Asiatique. Ces missions montrent la prééminence d'une ingénierie pédagogique d'inspiration anglo-saxonne (GB, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande pour les pays de l'ASEAN) y compris dans des pays qui se situaient, dans le passé, dans la zone francophone (Vietnam, Laos, par exemple).
Le développement de la collaboration franco-québecoise au travers des technologies de l'information doit permettre l'émergence d'un savoir-faire nécessaire à l'exportation des supports de services et des contenus pédagogiques multimédias.
Portée du projet
Il s'agit d'un projet qui associe une dimension régionale (trois régions associées : Rhône-Alpes, Pays de la Loire et Nord - Pas-de-Calais pour l'expérimentation), une dimension nationale (programme concerté de nombreux partenaires répartis sur tout le territoire national), et bien évidemment une dimension internationale puisqu'il s'agit en fait d'un projet franco-québecois et que des extensions vers l'Afrique de l'Ouest sont envisagés, au moins pour certains éléments.
Etant donné l'implantation des sites d'expérimentations et fournisseurs de services, il y a prise en compte d'une réelle dimension aménagement du territoire, en favorisant le développement des pratiques de formations innovantes en chaque point du territoire.
Enfin, il faut signaler que les technologies qui seront mises en oeuvre pour la formation à distance sont issues de projets européens
Contexte du projet
Il est important de rappeler que le projet présenté ici s'inscrit également pour certains de ces composants dans une bonne coordination avec des initiatives régionales, nationales et communautaires (ex : volet éducation du programme Telematics du 4ème PCRD). Plusieurs partenaires participent déjà activement à des programmes régionaux, en particulier dans le cadre des contrats de plan Etat-Région.
En conclusion, le projet VERSO doit permettre :
-le développement des services et des réseaux pour la formation à distance;
-la mise en synergie de nombreuses initiatives régionales et nationales en utilisant les technologies de la collaboration (co-conception, télé-réunion, etc) ainsi que l'émergence d'une véritable filière d'ingénierie pédagogique multimédia francophone.